Je veux que mon métier serve à quelque chose »
Adapté du roman éponyme de Fabienne Piel, J’ai peur d’oublier raconte l’histoire vraie d’une femme de tête qui souffre de la maladie d’Alzheimer. En interprétant ce personnage, Clémentine Célarié a été confrontée à « un océan d’émotions ». « Tout ce que j’attends d’un rôle », confie-t-elle.
« C’est très particulier de savoir que le personnage que vous interprétez existe. Fabienne Piel vit avec Alzheimer. Elle a eu le courage de le raconter dans un livre. Fait rare puisque, généralement, la perte de mémoire empêche les patients atteints de cette affection d’en parler. Le film est tiré de ce récit où elle narre les premiers troubles et symptômes, la découverte de son mal et la dégénérescence. Elle décrit, par exemple, la mémoire qui part comme une vague qui ne reviendra peut-être pas. Il faut un immense courage pour écrire sur sa maladie. Une maladie dure, violente et affreuse. Fabienne est quelqu’un de fort, une femme de caractère, ce qui rend d’autant plus intéressante sa description de son état. Nous avons en commun une forte personnalité. »
Outre son livre, qu’est-ce qui vous a aidée à entrer dans le personnage ? J’ai regardé une émission sur les femmes malades d’Alzheimer, des mères de famille entre 40 et 50 ans. Fabienne Piel en faisait partie. Je l’ai vue bouger, parler. J’ai vu sa coquetterie, sa féminité, sa force. Son côté femme libre aussi. Ça m’a beaucoup aidée.
L’avez-vous rencontrée avant le film ? Non, je le souhaitais mais la production n’y tenait pas. Je comprends. Fabienne et moi étant des émotives, elle craignait qu’un lien très fort, étouffant, s’installe entre nous, me poussant d’une certaine manière à copier Fabienne. Mais j’avais son récit, J’ai peur d’oublier, comme livre de chevet. C’était ma bible. Je lisais et relisais les passages où elle analyse ses états et ses impressions. La façon dont Fabienne dépeint sa maladie est pour moi un océan d’émotions. Elle offre ses états d’âme, parfois monstrueux, la violence et la richesse de ses sentiments… Tout ce que j’attends d’un rôle.
C’est-à-dire…
Ici, c’est un voyage dans les âges ; il n’y a ni frein, ni logique, il y a des ruptures. Je refuse de plus en plus les personnages limités. Je ne fais pas un métier pour être salariée. Je veux jouer des situations et des sentiments forts. Ce rôle a été un événement pour moi.
Aviez-vous des craintes quand on vous a proposé le rôle ? Que ce soit racoleur. Mais une fois que j’ai lu le scénario et vu Babou (Elisabeth Rappeneau, ndlr), quelqu’un d’élégant et sensible, c’était fini. Je déteste le pathos. Je déteste que l’on se serve du malheur des gens pour faire de l’audimat. J’aime la pudeur, l’élégance et la force avec lesquelles le livre et le scénario (de Catherine Ramberg, ndlr) ont été écrits. Jamais Fabienne Piel ne s’apitoie sur elle-même. Ce qu’elle décrit est tellement violent qu’Elisabeth Rappeneau et moi-même, nous ne devions pas polir le propos, ni le rendre doucereux. Je voulais que sa vérité soit retranscrite avec le maximum de profondeur et de justesse. Que ce soit aussi fort que l’était la réalité. Connaissant Elisabeth Rappeneau, je n’avais rien à craindre ; elle est d’une grande exigence. Les partenaires étaient bien sûr aussi très importants puisque si l’un sonnait faux, c’était foutu. Or, Daniel Russo, que je connais bien, est un immense acteur, un homme d’une grande humanité. Patrick Catalifo est fantastique. Sa vérité est d’une violence incroyable. Travailler avec de tels partenaires est essentiel pour moi qui aime m’impliquer à fond.
Qu’est-ce qui vous tracassait avec ce rôle ? Je m’inquiétais toujours d’en faire trop. De la façon dont Fabienne Piel aurait réagi. Je craignais qu’elle se sente dépossédée. Mais quelque temps après le tournage, elle est venue à Avignon où je donnais un concert avec mes fils. C’était extrêmement émouvant. Nous nous sommes tutoyées immédiatement ; nous avions toutes les deux l’impression de nous connaître, elle par la télévision, moi par son livre. Comme si j’avais vécu dans sa peau pendant un mois. Elle m’a demandé de parrainer son association.
Et ?
Aujourd’hui, l’heure est à la solidarité et à l’écoute, au non-jugement et à la non-exclusion. Je veux que mon métier soit de plus en plus un passeur, qu’il serve à quelque chose. Depuis le tournage, je me sens extrêmement concernée par la maladie. C’est la façon dont Fabienne a parlé d’Alzheimer et non l’affection en elle-même qui touche et qui a été passionnant à jouer. Les personnages qui se battent pour quelque chose sont toujours magnifiques et, encore davantage, lorsqu’il s’agit d’un combat intérieur. Fabienne se bat contre une partie d’elle-même. Quand on joue un tel personnage, on se sent redevable. On a envie de dire merci.
Bonjour
J’ai consulté votre poste par accident et il est trés palpitant. Je suis extrêmement étonné par le peu de commentaires laissés à votre article.
Merci pour cet article plutôt instructif